Ces Français qui ne parviennent plus à payer leur loyer


Avec le confinement, beaucoup de Français ne peuvent plus travailler. Pour certains, payer le loyer va devenir un vrai problème.

 Propriétaire d'un ancien kiosque parisien, Chantal arrivait à joindre les deux bouts en vendant des crêpes au sucre à 2 euros. Mais ce mois-ci, après 7 semaines de confinement et une activité à l'arrêt, elle n'aura pas de quoi payer son loyer. Déjà touchés par des difficultés pour acheter à manger, les plus modestes, confrontés à des baisses de revenus liées au confinement, sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir payer leur loyer, alertent les associations qui ont reçu de nombreuses demandes d'aide ces dernières semaines.

"On ne connaît pas encore l'ampleur du phénomène, mais pas besoin d'être fin sorcier pour prédire qu'avec une baisse des ressources et une augmentation des coûts notamment en eau et en électricité du fait du confinement, on risque de voir beaucoup d'impayés", s'inquiète le délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre (FAP), Christophe Robert. Selon la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui rassemble 800 associations de lutte contre l'exclusion, les impayés ont augmenté aussi bien dans le parc privé, que dans le parc social.

Le risque, selon les associations: une explosion des procédures d'expulsions locatives avec le déconfinement. En 2018, 15.993 ménages soit plus de 36.000 personnes, ont été expulsés avec le concours de la force publique, selon la FAP. "Ca fait deux mois que je verse 600 euros, au lieu de 850", explique Chantal, au RSA. Cette femme de 66 ans, qui vit encore avec sa fille, se fait un point d'honneur à payer ce qu'elle peut pour tenter d'éviter le pire. Sur un tableau accroché dans son deux pièces, elle raconte tenir le compte de ses dettes: "ça fait déjà 500 euros".

Trêve hivernale prolongée

Mi-mars, Emmanuel Macron avait fait une annonce inédite en décidant, dans le contexte de crise sanitaire, de repousser la fin de la trêve hivernale de deux mois. Courant normalement du 1er novembre au 31 mars, la trêve a été exceptionnellement prolongée jusqu'au 31 mai, suspendant la remise à la rue de ceux hébergés dans des structures d'urgence, ainsi que les expulsions locatives. Mais selon certains travailleurs sociaux, des locataires en difficultés ont déjà reçu des courriers les avertissant de l'application d'une procédure d'expulsion après cette date. Depuis, le gouvernement a décidé de prolonger la trêve hivernale jusqu'en juillet. Mais les expulsions pourront reprendre après.

Annuler les loyers ?

Economiste à l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), Pierre Concialdi estime dans une note publiée en avril, qu'au moins 6 millions de personnes pourraient ainsi être en difficulté. A Bobigny, en Seine-Saint-Denis, la mairie a annoncé fin avril une mesure spectaculaire, avec l'annulation de l'ensemble des loyers d'avril pour les 4.000 locataires de l'office public HLM de la ville.

Une idée qui a crispé les bailleurs sociaux et qui est également rejetée par les associations de lutte contre la pauvreté. "Il faut savoir que 3 mois de loyers dans le parc privé et social en France, ça représente une facture de 18 milliards d'euros", souligne Manuel Domergue, directeur des études à la FAP. Or, "la plupart des locataires n'ont pas de baisse de revenus. Il n'y a donc pas de raison de mettre en immense fragilité les bailleurs privés ou sociaux", explique-t-il.

Une aide ciblée

Les associations penchent plutôt pour une aide ciblée sur ceux en difficulté et demandent au gouvernement la création d'un fonds national d'aide au paiement de la quittance doté d'au moins 200 millions d'euros. "Il faut une réponse rapide de l'Etat pour éviter un pic des expulsions locatives et des situations d'endettement catastrophiques pour les ménages, comme pour les bailleurs", relève Florent Gueguen, directeur général de la FAS. Appelant le gouvernement à "anticiper les risques majeurs liés à la sortie du confinement", les associations réclament aussi une trêve des expulsions prolongée "jusqu'au retour à la normale".

A l'âge de la retraite, Chantal envisage aujourd'hui de se mettre à la recherche d'un nouveau petit boulot. "Cette épidémie, ça a été le coup de grâce", dit-elle.

Avec AFP

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